5.12.2011

La Vertu d"égoïsme d'Ayn Rand - analyse de Patrice Venzine

L'homme agit suivant un code de valeurs qui guide ses choix, ses actions et fixent le but et le cours de sa vie. Contrairement à un robot, seule une entité vivante peut avoir des objectifs ou en créer. Et la principale norme d'un organisme vivant est déterminée par ce qui est requis pour sa survie, son adaptation à l'environnement. On comprendra alors pourquoi, épistémologiquement le concept de "valeur" tire son origine du concept de "vie".
Si une simple plante s'adapte de manière innée suivant la détermination fixée par la nature, la survie des organismes supérieurs tels que les hommes dépend d'une sphère d'action proportionnelle à l'étendue de leur conscience: c'est la propre conscience de l'homme qui découvre les objectifs, les moyens et les valeurs dont dépend sa vie. Pour cela, sa conscience opère une conceptualisation qui, par la pensée, donne naissance à la Raison.

Penser n'est pas automatique, chacun reste libre d'éviter cet effort. Mais pour sa survie, l'Homme doit prendre l'initiative d'entreprendre des actions raisonnées pour savoir, par exemple, comment cultiver sa nourriture ou fabriquer ses outils de chasse. Tout ce dont il a besoin doit être le fruit de son propre travail, de son propre effort, de son propre esprit: ces actions dites "raisonnées", il doit en assumer la responsabilité pour en supporter les conséquences. Etant libre de choisir, il peut agir comme son propre fossoyeur.
C'est pourquoi la première norme par laquelle on juge ce qui est bon ou mauvais pour l'Homme est la vie de l'homme, c'est à dire ce qui est requis pour sa survie.
L'être rationnel utilisera la réflexion et le travail productif comme méthode de survie.
L'éthique objectiviste considère ainsi la vie de l'homme comme le fondement de toute valeur et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu. Ses trois valeurs et vertus cardinales sont: la raison/la rationnalité, l'intentionnalité/la productivité, l'estime de soi/la fierté.
Aucune autre valeur ne doit l'emporter sur notre perception de la réalité. Cela signifie assumer la responsabilité de la formation de notre propre jugement et de vivre du travail de notre propre esprit: c'est la vertu d'indépendance. Mais aussi de ne jamais tenter de falsifier la réalité: c'est la vertu d'honnêteté. Cela signifie aussi que nous ne devons jamais chercher à nous approprier ce que nous ne méritons pas ou ce qui ne nous revient pas de droit: c'est la vertu de justice. Nous ne devons jamais désirer d'effets sans causes et nous ne devons jamais donner naissance à une cause sans en assumer pleinement la responsabilité.
Par conséquent, le mysticisme et toute source de connaissance supranaturelle sont rejetés.
Le travail productif met ainsi en valeur chez l'homme son habileté créatrice, son ambition, sa confiance en soi et son refus du découragement. La fierté signifie que l'on doit mériter le droit de se considérer soi-même comme notre plus grande valeur en réalisant sa propre perfection morale. La perfection morale s'accomplit en refusant de jouer le rôle d'un animal sacrificiel et en refusant toute doctrine qui prêche l'auto-immolation comme une vertu ou un devoir moral (l'altruisme).
Le principe SOCIAL fondamental de l'éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins et le bien-être des autres.
L'accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l'homme.
L'éthique hédoniste détourne ce principe en déclarant "tout ce qui vous fait plaisir est une valeur adéquate". Or, confondre Bonheur et Plaisir revient à confondre également Raison et désir. Et si le désir est la norme éthique, le désir d'un homme de produire et le désir d'un autre homme de le voler ont une validité éthique égale. Ainsi, le cannibalisme moral de toutes les doctrines hédonistes et altruistes tient dans le prémisse que le bonheur d'un homme nécessite le sacrifice d'un autre.
C'est pourquoi l'éthique objectiviste prône fièrement l'EGOISME RATIONNEL : ce qui est bon pour l'homme ne peut être servi que par des relations non-sacrificielles et ne peut être accompli par le sacrifice des uns en faveur des autres.
Le principe de l'échange librement consenti, donnant valeur pour valeur, non forcé, non coercitif et qui bénéficie à chaque partie, est le seul principe éthique rationnel.
Dans le domaine spirituel ou affectif, le principe est le même: l'amour, l'amitié, le respect ou l'admiration sont la réponse émotive d'un homme aux vertus d'un autre, ils ne sont pas des actes désintéressés.
Aimer, c'est valoriser. Seul un homme rationnellement égoïste, un homme qui a l'estime de soi, est capable d'amour. L'homme qui ne se valorise pas lui-même ne peut valoriser personne ni qui que se soit.
De même l'égoïste rationnel ne vit pas seul, en autarcie. La division du travail permettant à l'homme de se spécialiser tout en partageant et en bénéficiant des connaissances acquises par autrui donne naissance à des coopérations volontaires et enrichissantes. L'égoïsme rationnel fonde une société humaine qui voit les hommes se réunir avantageusement pour vivre ensemble. Au contraire, l'altruisme favorise une société qui pénalise les vertus des uns pour récompenser les vices des autres, entraînant nivellement par le bas, assistanat et jalousies, conflits d'intérêt.
Aussi, le principe POLITIQUE fondamental de l'éthique objectiviste fixe un seul but moral à tout gouvernement: la protection des Droits de l'Homme. Cela signifie protection contre la violence physique, protection du droit à la vie, à la liberté, à la propriété, à la poursuite de son propre bonheur. Sans droits de propriété, aucun autre droit n'est possible.
L'altruisme a détruit le concept de fraternité en impliquant que valoriser autrui signifie se sacrifier soi-même. Un amour désintéressé est une contradiction: cela signifie que l'on est indifférent à ce que l'on valorise. Mettre en pratique l'amitié et l'amour consiste à incorporer le bien-être rationnel de la personne aimée dans notre propre hierarchie des valeurs et agir en conséquence. Il s'agit toutefois d'une récompense que la personne aimée doit mériter en fonction des vertus qu'elle pratique. Les autres hommes ont une valeur parce qu'ils sont de la même espèce que nous: en vénérant les entités vivantes, nous vénérons notre propre vie. Voilà le fondement psychologique de toute sympathie, empathie et de tout sentiment envers l'espèce. Et c'est en vertu de la valeur humaine que l'on aide les autres en cas d'urgences (inondation, incendie...) ou occasionnellement lorsque l'on est sensible à la souffrance d'autrui. Cela ne veut pas dire qu'il faut subordonner sa vie au bien-être d'autrui: toute aide apportée est une exception et non une règle imposée, un acte de générosité et non un devoir moral impératif.
Qu'arrivera t'il aux pauvres dans une société objectiviste? Et bien, si VOUS voulez les aider, VOUS n'en serez pas empêchés.
On comprendra maintenant aisément que la CAPITALISME DE LAISSEZ-FAIRE est le seul système conforme à l'éthique objectiviste.
Une société morale est une société d'individus libres fondée sur des échanges librement consentis et le droit de propriété, une société du droit et du contrat respectant le principe des droits individuels. La morale ne pouvant qu'être individuelle et fondée sur la Raison, une société fondée sur l'égoïsme rationnel est en cela une société véritablement humaine. Tout système qui fait de l'Homme une fin en soi et de la société un moyen pour la coexistence pacifique, ordonnée et volontaire des individus engendre une société dite morale.
Dès lors qu'on opère un transfert du concept de "droit" du domaine politique au domaine économique, on glisse vers le collectivisme: droit à un emploi rémunérateur, droit à un logement décent, droit à des soins médicaux, à l'éducation. Aux frais de qui? Les pères fondateurs des Etats-Unis parlaient du droit à la poursuite du bonheur et non du droit au bonheur. Les droits doivent se limiter à n'être que des principes moraux qui définissent et protègent la liberté d'action d'un homme, en n'imposant aucune obligation aux autres.
C'est pourquoi il n'existe pas de "droits collectivisés" détenus par un groupe. De même une nation a droit à sa souveraineté dès lors que celle-ci découle des droits de ses citoyens: les dictatures sont des nations hors-la-loi. Quant au financement du gouvernement d'une société libre, il doit reposer sur une contribution volontaire des citoyens, proportionnelle à leur revenu.
Enfin une société objectiviste condamne le racisme. Le racisme est la forme la plus abjecte et la plus brutalement primitive du collectivisme. Le racisme reconnaît un groupe et attribue ses vertus ou ses défauts, sa supériorité ou son infériorité à son origine raciale. Or il n'y a que des esprits individuels et des réalisations individuelles.
Ainsi l'Allemagne Nazie obligeait les individus à faire la démonstration de leur ascendance aryenne. L'idéologie soviétique reposait sur l'idée que les hommes peuvent être génétiquement conditionnés au communisme.
Le racisme est porté par le collectivisme et son corollaire l'étatisme. Son seul antidote est la philosophie individualiste et son corollaire le capitalisme de laissez-faire.