2.18.2011

Un petit rappel ... L'ethno-nationaliste ....

Tradition, territoire et langue”.
Le courant ethno-nationaliste :
Des répondants indépendantistes défendent la tradition, c'est-à-dire la prégnance de la communauté canadienne-française comme base de l'identité collective québécoise.

Ces répondants développent une idéologie nativiste et ne recherchent nullement l'élargissement de la base politique francophone, persuadés que non seulement le partage d'une mémoire historique et politique, mais aussi celui d'une culture privée, locale, assurent d'un sens d'appartenance au Québec. Pour eux, la culture historique de la population « de souche » est la base première de l'identité québécoise et seuls les francophones « de souche » la connaissent et peuvent s'identifier comme Québécois. Aussi, aucun risque ne doit être couru en tentant des alliances avec des personnes d'autres origines.

La société québécoise est, reconnaissent-ils, une mosaïque de groupes ou de communautés aux intérêts et histoires divergents. Mais aucune identité nationale inclusive ne peut être créée faute d'un passé canadien-français prestigieux, d'une puissance politique ou économique du Québec et de référents universalistes, apanages uniques de l'État québécois. L'État québécois partage certains de ces apanages avec l'État fédéral (Charte des droits) ou n'en dispose pas (citoyenneté).

Faute de référents politiques et historiques à partager, les immigrés ne peuvent pas s'identifier à une collectivité québécoise. Aussi ne reste-t-il plus pour fonder une telle collectivité et une identité nationale que le référent de la tradition, dont seules les personnes « de souche » sont dépositaires. Selon cette vision, la nation constitue une entité historico-culturelle avant d'être une entité politique, entité qui n'existera que le jour de l'instauration d'un État indépendant québécois.

Ce courant tend à superposer langue et culture, collectivité québécoise et communauté « de souche » francophone, sphères privée et publique, État et nation ethnique. Mémoire historique, culture et langue se correspondent comme référents de l'identité et la nation québécoise est ancrée dans l'ethnie canadienne-française.

La force d'une telle nation ethnique résidant dans sa cohésion sociale et son intégrité culturelle, multiples sont les dangers l'empêchant de s'affirmer : culture de masse américaine, minorité anglophone, étrangers immigrés, anglais comme langue commerciale internationale, recul des valeurs morales et familiales, attachement de plus en plus ténu à l'héritage culturel canadien-français, déclin démographique.

En présence de ces dangers, dont notamment, selon ces répondants, l'absence de reconnaissance et de valorisation de son héritage culturel par la population  « de souche », surgit la question de comment faire apparaître une conscience nationale. 

Selon eux, l'État ne peut certes plus, lui-même, perpétuer les valeurs morales de la nation historique, mais il a la fonction majeure de rappeler et valoriser l'héritage culturel, artistique notamment, et de le défendre contre toute forme culturelle pouvant l'influencer : culture de masse américaine, cultures immigrées, culture urbaine montréalaise cosmopolite.

Définissant la nation comme portée par une communauté de culture, ces répondants tiennent un discours sur la pureté et la pollution culturelles et morales, sur la hiérarchie des cultures et sur la préséance d'une communauté fondatrice, les membres d'autres communautés de culture se trouvant placés en tutelle politique et culturelle soit par l'exclusion, soit par l'assimilation normative. 

Ils invoquent une évolution culturelle comportant la prédominance de la culture « native » au nom de mœurs politiques ou sociales des immigrés, inadaptées aux normes juridiques québécoises (libertés fondamentales, droit des femmes) ou au nom d'une préférence de la culture anglo-américaine dans le cas de la minorité anglophone. Ils souhaitent, dans le champ culturel mais aussi économique, un moindre rôle de Montréal, pôle cosmopolite de la province.

Il est à noter que jamais une définition serrée des éléments définissant la culture communautaire référentielle n'est donnée. Sont parfois mentionnés le mode langagier, l'opposition à la culture américaine, la morale religieuse et le sens de la convivialité.

Au nom de la fonction primordiale des Québécois « de souche » française dans la défense des intérêts de la nation, ces répondants militent aussi pour une défense par l'État de privilèges politiques de ces derniers tels qu'un accès exclusif à la fonction publique, « forteresse francophone à maintenir ». 

L'État doit être le rempart de la nation et se trouver aux mains des uniques « nationaux ». L’économie n'est nullement, par contre, pour ces répondants, un outil central à la reproduction et à l'affirmation de la nation.

La position de ces répondants n'est, selon eux, qu'un mode d'affirmation de la légitimité du droit du Québec à l'autodétermination, car, prévoient-ils, une société québécoise indépendante politiquement pourra suivre des préceptes essentiellement républicains. 

La tradition, comme mémoire et culture d'une communauté, pourra alors devenir catégorie de la vie privée et de l'identification personnelle des « nationaux » québécois. Elle cessera d'être le référent central de l'identité collective québécoise, utile le temps de la conquête du pouvoir politique.

Ce courant ethniciste est très attaqué par tous les répondants des autres courants, et il semble tenter de pallier une réduction de son influence politique. Cette réduction tient à l'ouverture croissante du territoire québécois au marché international qui réduit le rôle des élites traditionnelles, accentue le poids de l'anglais et multiplie l'entrée d'influences culturelles étrangères ; elle tient aussi au déclin démographique qui ne permet plus à ce courant, surtout à  Montréal, d'opposer la loi du nombre aux immigrés et aux partisans du cosmopolitisme.

Source :  Denise Helly et Nicolas Van Schendel - “Variations identitaires sur la nation. Tradition, territoire et langue”.
Un texte publié dans le livre sous la direction de Mikhaël ELBAZ, Andrée Fortin et Guy Laforest, LES FRONTIÈRES DE L'IDENTITÉ. Modernité et postmodernité au Québec, pp. 206-218. Québec: Les Presses de l’Université Laval; Paris: L'Harmattan, 1996, 384 pp.